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L'image de marque d’un pays n'est pas uniquement une affaire d'État ou d’entreprises..
Suneeta Motala, Chief Marketing Officer

L'image de marque d’un pays n'est pas uniquement une affaire d'État ou d’entreprises, mais un effort intégré et concerté de toutes les parties prenantes incluant sa population.

Publié le
01 septembre, 2021
Publié dans la catégorie
Opinions d'experts
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AfrAsia Bank a récemment décrochée le trophée de la meilleure banque privée et celui de la meilleure campagne marketing durant la pandémie pour son concept intégré intitulé «The Believers», lancé en octobre 2020. Nous avons sollicité sa Chief Marketing Officer, Suneeta Motala, pour apporter un regard d’expert sur la thématique de «Country branding» sur lequel table le pays pour redynamiser ses secteurs clés lourdement impactés par la crise. 

 

 

Alors que Maurice essaie de se relever de la crise, il est devenu primordial qu’on adopte une stratégie de marque nationale pour donner une nouvelle impulsion au Mauritius Incorporated. Cela dit, comment mener à bien notre stratégie de «Country branding» ?

 

La première étape dans l’élaboration d’une image de marque nationale consiste à trouver les réponses à des questions simples. Que voulons-nous être en tant que pays ? Qui sont nos cibles et nos segments de clientèle? Quelle est la promesse de notre marque en tant que pays ? Comment voulons-nous être perçus? Toutes ces réponses devraient permettre de mieux nous positionner sur la carte du monde et servir de données pour nous comparer à d’autres destinations concurrentes. Il est essentiel que nous ayons une approche différenciée et distincte, notamment lorsqu’il s’agit de positionner nos principaux piliers économiques, qui sont le tourisme et le secteur des affaires.

 

 

Nous avons jusqu’à présent utilisé différents slogans pour positionner nos différents secteurs. Certes, cela a fonctionné dans une certaine mesure, mais en faisant cela, nos investissements en marketing et communication ont tendance à se diluer, car les messages véhiculés sont multiples. Ainsi, dans le passé, nous avons utilisé «Maurice, c’est un Plaisir» pour le tourisme, puis récemment pour l’industrie financière, il y a eu «Centre financier international de substance». Cette approche fragmentée ne facilite pas le développement d’une image de marque nationale distincte et unifiée que les investisseurs et  visiteurs retiendraient. Je favoriserais une approche de communication nationale plutôt qu’une approche sectorielle cloisonnée. L’ultime objectif serait de différencier et d’affirmer l’identité du pays vis-à-vis d’autres destinations compétitrices.

 

 

Mon deuxième point porte justement sur cela. Toute image de marque doit être construite sur une idée de fond et qui découle d’une vision à long terme. Cela permettra d’élaborer une stratégie cohérente, bien articulée et rationalisée. L’identité de la marque nationale en découdra tout comme les marques sous-jacentes pour les secteurs clés comme le tourisme, les services financiers, le commerce et les exportations entreautres. Donc, il est impératif que nos actions, nos activités et nos démarches politiques s s’alignent sur un objectif commun et certains changements fondamentaux doivent contribuer pour l’atteindre. Un système de communication comprenant les principales parties prenantes est requis tant lors de la mise en œuvre qu’après. Le pilotage de marque ou de plusieurs marques peut être décousu sans une ligne conductrice. Il faut penser à l’efficacité des programmes de marketing et de communication, qui restent extrêmement coûteux.

 

 

La donnée est aujourd'hui incontournable. Notre stratégie doit reposer sur des données solides qui nous aideront à décrypter le profil de nos visiteurs et évaluer notre attractivité auprès des différents segments voyageurs d'affaires, couples en lune de miel, touristes retraités, entrepreneurs nomades entre autres. Nous ne pouvons pas changer ou améliorer ce que nous ne pouvons pas mesurer. Nous devons savoir comment nos marchés cibles nous perçoivent. Cela nous permettra de promouvoir nos forces et corriger nos faiblesses. 

 

 

Troisièmement, il est impératif d’avoir un organe central qui gère l’image de marque du pays et sa communication. Il est bien plus difficile de contrôler les communications quand plusieurs institutions communiquent dans les mêmes marchés et très souvent à travers les mêmes canaux. Le pire c’est d’avoir notre cible exposée à des messages fragmentés et qui portent à confusion.

 

 

Une institution centrale aura pour mission de dénicher les opportunités pour promouvoir la visibilité du pays à l’international tout en s’assurant d’avoir le meilleur retour sur chaque investissement. Cette organisation devra, en sus d’avoir un cadre solide et transparent, s’appuyer avec une équipe expérimentée et indépendante qui veillera au pilotage de la marque et de ses sous-marques et ce quel que soit le gouvernement en place.

 

 

L’élément fondamental ici est de travailler en étroite collaboration avec les principales parties prenantes du secteur privé, les principaux acteurs de l'industrie et le gouvernement. Des institutions telles que la MTPA et l’Economic Development Board (EDB) auront toujours un rôle vital à jouer à travers l’amplification des messages auprès de leurs cibles respectives.

 

 

L’image de marque d’un pays est le «life blood» de toute nation en raison de sa capacité à stimuler l’économie, à attirer les talents et à améliorer la qualité de vie des citoyens. C’est une activité sérieuse où l’approximation peut coûter cher. Par cela, je veux mettre l’accent sur le  besoin de créer une culture de mesure. Il faut suivre les performances des stratégies mises en place et développer les mécanismes de mesure pour évaluer les actions et autres initiatives. La plupart du temps, nous sommes tellement concentrés sur le déploiement d'une stratégie que nous passons à côté de ses mesures. Sans des indicateurs, il serait difficile de savoir si les stratégies fonctionnent ou si elles doivent être modifiées ou révisées pour améliorer le retour sur investissement.  

 

 

On entend parler du projet de Country branding depuis plus de trois ans. L’Economic Development Board, on le sait, a annoncé qu’il recherchait un consultant pour l’aider à mettre en place cette stratégie. Est-ce à dire que l’exercice est particulièrement complexe ?

 

Ce n’est certainement pas une tâche facile. Les consultants apporteront leur précieuse expertise, mais ce qui est important, c’est d’être capable de rallier les principales parties prenantes qui sont sur le terrain pour porter assistance aux consultants. Même pour la sélection du consultant, il doit y avoir un panel indépendant composé de professionnels des secteurs clés de l'économie. Des recherches qualitatives et quantitatives professionnelles devront être menées pour savoir comment la marque Maurice est perçue au niveau international, par nos marchés cibles et aussi par les mauriciens en général. Les résultats de la recherche doivent être analysés et des experts, ainsi que des acteurs clés des secteurs public et privé, doivent être consultés. Par exemple, si nous prenons nos deux principaux piliers de l’économie que sont le tourisme et les secteurs financiers, les principales parties prenantes devront valider la stratégie de base, le message de base et, à partir de là, chacune déterminera ses propres initiatives et tactiques. La mutualisation des ressources, les collaborations en matière d’études de recherches et la fusion des compétences sont des moyens d'atteindre les objectifs souhaités.

 

 

Quels sont les différents domaines que doit toucher une stratégie de marque nationale ?

 

L’image de marque d’un pays ne consiste pas seulement à construire des slogans. Elle implique une gestion planifiée de la communication et également le renforcement des actions sociales au bénéfice du pays. L’image de marque n’est pas uniquement une affaire d’État ou d’entreprises, mais un effort intégré et concerté de toutes les parties prenantes incluant sa population.

 

Je pense que l’accent devrait être mis sur les secteurs les plus gravement touchés et le premier serait, pour des raisons évidentes, le secteur du tourisme. Le deuxième concerne l’accroissement des flux d’investissements directs étrangers. Tout pays, qu’il soit en développement ou développé, aspire à donner une image favorable pour attirer les investisseurs. L’EDB est déjà très actif sur ce front.

 

Un secteur qui dépend de cette image est celui de l'exportation, car un manque de visibilité sur nos marchés d’avenir affecterait nos exportations et perturberait l’activité de nos entreprises productrices. Nos politiques étrangères et intérieures seront des axes importants dans la mise en œuvre de toute stratégie. Pour être au summum de son efficacité, les politiciens auront le devoir de s’accorder afin de faire vivre l’image de marque que le pays veut présenter. Et pour cela, il serait primordial d’engager un processus de concertation et d’engagement continu avec l’ensemble de la population locale et des institutions dans la promotion de cette image. L’image de marque d'un pays doit commencer de l’intérieur. Pour finir, je dirais qu’il ne faut pas négliger la dimension culturelle du pays, car la culture pénètre tous les domaines de notre vie et de notre nation. Promouvoir notre culture et notre patrimoine c'est promouvoir notre identité.

 

 

La crise a fragilisé le secteur touristique qui, dit-on, doit se réinventer. Alors que l’image du global business a été écornée depuis notre inclusion sur la liste noire de l’Union européenne. Comment trouver le bon slogan et la bonne stratégie de marketing commune pour redresser ces deux piliers économiques ?

 

Cela demande toute une réflexion avec les professionnels sur le terrain. Je n’ai pas de slogan particulier, mais une chose est sûre, la communication est encore plus cruciale dans cette ère pandémique mise à part la situation inédite avec la liste noire de l’Union européenne. Maurice, sans le moindre doute, possède un immense éventail d'opportunités à offrir et il serait dommage de ne pas les saisir. L’aspect sécuritaire pourrait être un pilier dans cet exercice d’élaboration d’image de marque, mais il y a évidemment d’autres angles sur lesquels il faudra se pencher pour développer ce message attrayant qui unira investisseurs et visiteurs, sans oublier de nouveaux talents. C’est pourquoi il est si important de réunir toutes nos principales parties prenantes autour d’une table.

 

Le slogan doit s’articuler autour des points forts du pays. Des slogans comme «Incredible India» et «Land of Smiles» (Thaïlande) sont des messages authentiques qui reflètent fidèlement le pays et ses habitants. Le slogan SusIsland par exemple était coupé des réalités présentes : la situation des chiens errants, les rivières remplies d’ordures, les récifs coralliens mourants et le bétonnage de nos plages sont des sujets bien connus des touristes. Nous devrons être très attentifs à ce que le message qu’on veut véhiculer maintienne l’équilibre entre promesses et réalités.

 

Il est primordial d’être authentique et simple pour résonner dans l’esprit de nos parties prenantes. Malgré les défis actuels, nous pouvons changer notre façon de raconter notre histoire à condition d’avoir une stratégie claire pour y parvenir : un leadership visionnaire et une bonne coordination entre le gouvernement, le secteur public et le privé et la communauté dans son ensemble. Sans ce ciment de coopération, la tâche devient irréalisable.

 

Dans cette même perspective, nous devons trouver un équilibre entre les investissements dans le marketing et les véritables consolidations requises dans le pays, qu’il s’agisse du renforcement de notre cadre de politiques en tant que centre financier international ou d’actions plus concrètes en tant qu’île durable. Ces dernières sont susceptibles d’avoir un effet plus important, plus crédible et plus durable sur notre réputation. La première devise d’un tel projet devrait donc être «Actions speak louder than words», et la seconde «Ne parlez pas si vous n’avez pas quelque chose à dire».

 

Bien que les investisseurs étrangers aient une approche plus rationnelle de la perception de la réputation d’un pays qu’un touriste de plage, ils sont toujours influencés par l’image globale que dégage le pays. La stabilité économique et politique, les lois et réglementations, le système fiscal, et le niveau de corruption perçu font partie des facteurs cruciaux dans le processus de décision de tout investisseur. L’image de marque d’un pays peut influencer une décision d’investir lorsque l’investisseur est partagé entre deux juridictions qui présentent les mêmes caractéristiques.

 

La création d’une image de marque pays diffère considérablement de la création d’une image de marque produit ou service. L’image de marque d'un pays ne consiste pas seulement à réserver un espace publicitaire sur une chaîne de télévision ou dans un magazine. Il ne s’agit pas non plus d’énumérer les avantages géographiques d’un pays. Le développement d’une image marque pays s’apparente à l’assemblage d’un puzzle gigantesque.

 

Quels sont les pays dont on peut s’inspirer pour développer notre stratégie de marque nationale ?


Il y en a quelques-uns, mais l’exemple de Singapour mérite d’être souligné. En dépit de sa petite taille, Singapour a bâti une stratégie d’image de marque rayonnante sur la scène internationale. Son slogan de «Passion made possible», développé à la fois par l’Office du tourisme de Singapour et l’Office du développement économique de Singapour, s’est établi comme une stratégie de communication gagnante.

 

Un autre pays qui inspire est la Suisse – une image harmonieuse associée à un climat favorable aux affaires, une forte capacité d’innovation, un système éducatif renommé, des infrastructures bien développées, une stabilité politique et un niveau de vie élevé – une myriade d’atouts qui contribuent à l’image de marque du pays. Le slogan «Switzerland.Get Natural» reste bien ancré dans la stratégie du pays.

 

La stratégie de l’Estonie en tant que destination rêvée pour les nomades numériques et les entrepreneurs internationaux peut également être soulignée car elle reflète aussi nos ambitions à travers le nouveau visa Premium mis en place par le gouvernement. La vision de l’Estonie unit toutes les parties prenantes et tous travaillent dans ce sens, qu’il s’agisse de l’industrie des télécommunications ou d’autres secteurs qui y sont indirectement liés.

 

Les «Brand guardians» doivent être en mesure d’élaborer, de planifier et de véhiculer l’histoire de la marque de manière à ce qu’elle soit connue de toutes les parties prenantes à l’extérieur du pays comme à l’intérieur. Nous avons souvent tendance à oublier les parties prenantes internes qui sont les premiers ambassadeurs de notre image de marque. La marque territoriale «We love NY» est devenue un succès planétaire parce qu’elle est soutenue par ses habitants. Lorsque la population dans son ensemble devient le porte-parole des valeurs et des qualités d'un pays, vous disposez alors d’un support publicitaire non négligeable qui peut vous aider à mener à bien l’énorme tâche consistant à communiquer ce puzzle complexe à un aussi grand nombre de personnes.

 

 

 

 

 

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