Quelle incidence a eu le Covid-19 sur la fonction d'audit interne, particulièrement les banques ?
Le Covid-19 est une pandémie d'une ampleur sans précédent qui nuit gravement à l'économie. Alors que les établissements financiers ont un rôle clé à jouer dans l'atténuation de ses conséquences, les services d'audit interne sont engagés dans cette mission au sein de leurs établissements respectifs et il va sans dire qu'ils s'en trouvent affectés de manière significative.
Les effets de la crise sont multiples et comprennent, entre autres, travailler à domicile pour protéger les membres du personnel de la contagion, réévaluer les priorités en matière d'audit et réaffecter les ressources, la révision des plans d'audit et une délimitation plus précise des missions d'audit si nécessaire.
L'abandon quasi-immédiat des routines établies a été nécessaire pour s'adapter au contexte et se concentrer sur des questions plus pertinentes. Quoi qu'il en soit, les auditeurs internes sont appelés à être dynamiques et agiles.
Quels sont les principaux points inscrits à l'ordre du jour des services d'audit interne en période de confinement ?
Tout d'abord, ce serait dommage que les auditeurs internes passent à côté de cette occasion unique offerte par le Covid-19 de suivre de près la mise en œuvre du plan de continuité d'activité en situation réelle. Ils doivent aussi exercer pleinement leurs fonctions consultatives et se tenir à la disposition du comité de crise afin de pouvoir lui porter assistance dans les meilleurs délais et de manière constructive.
Nous assistons pendant cette crise à une recrudescence des attaques par hameçonnage (phishing), des escroqueries par email, du piratage par ingénierie sociale (social engineering) et des tentatives de fraude à travers le monde. Il incombe aux auditeurs internes de veiller à ce qu'il y ait plus de vigilance, que les mesures de lutte anti-fraude soient en place et que des campagnes de sensibilisation des clients aux meilleures pratiques en matière de sécurité soient lancées.
Il est entendu que les aspects de conformité aux modalités du confinement, tels que l'obtention d'un permis pour se déplacer pour ceux devant se rendre sur le lieu de travail et le respect des normes relatives à la santé et à la sécurité au bureau, figurent également à l'ordre du jour des services d'audit interne pendant cette période.
Sur quoi devront les services d'audit interne mettre l'accent à l'avenir ?
Nous vivons une situation extraordinaire qui demande des mesures extraordinaires. Les banques seront des acteurs majeurs et leurs fonctions d'audit interne devront immanquablement s'adapter et évoluer. L'exploitation des ressources d'audit interne continuera à se faire en fonction des risques mais, immédiatement après la crise sanitaire, certains domaines requerront davantage d'attention de la part des auditeurs internes.
L'IFRS 9 et la comptabilisation de la dépréciation des actifs financiers seront les principaux domaines d'action. Les mesures de confinement au niveau local, et les répercussions à l'échelle mondiale touchant Maurice auront un impact important sur le Tourisme, le Textile, l'Immobilier et l'Aviation, occasionnant des pertes de valeur importantes pour les clients opérant dans ces secteurs. Et comme la norme IFRS 9 ne prescrit pas la comptabilisation des pertes de crédit attendues (ECL) de manière mécanique, la méthode d'estimation des pertes devra être ajustée aux circonstances actuelles, ce qui nécessitera de faire davantage preuve de jugement.
Deuxièmement, la pandémie a conduit à une utilisation accrue des modes de paiement numériques par opposition aux paiements en liquide. Le travail à domicile a bien fonctionné pour de nombreux employés de banque et cette configuration pourrait être, dans une certaine mesure, conservée après la crise. Les auditeurs internes devront acquérir de nouvelles compétences afin de pouvoir examiner les modèles et structures davantage axés sur technologie, une démarche d'autant plus nécessaire que le chômage est en hausse et pourrait entraîner une augmentation des tentatives de fraude par des hackeurs.
Troisièmement, l'impact des politiques monétaires et budgétaires devra être étroitement surveillé par les auditeurs internes car des réformes majeures sont envisagées dans le pays pour atteindre certains objectifs macro-économiques. Par exemple, le 16 avril 2020, le comité de politique monétaire de la Banque de Maurice a réduit le taux directeur (Key Repo Rate) de 100 points de base, le faisant passer de 2,85 pour cent à 1,85 pour cent par an. De telles mesures peuvent avoir un impact pertinent sur certains postes des états financiers des banques. De plus, les conditions économiques d'après Covid-19, avec la réduction des exportations, pourraient causer une pénurie de devises dans les circuits bancaires mauriciens obligeant certaines banques à revoir leurs modèles opérationnels.
Quatrièmement, nous avons récemment observé un fléchissement des prix des produits de base et des marchés boursiers internationaux (S&P 500, Dow Jones, FTSE 100). Face à l'incertitude, les investisseurs réagissent de manière émotionnelle et sont plus réticents à prendre des risques. Il y aura une augmentation de la demande pour des produits où le capital est protégé ou un basculement vers des fonds équilibrés à faible participation et les banques devront répondre à ces besoins changeants des clients, dans l'immédiat et sur le long terme. D'un point de vue stratégique, les auditeurs internes devront déterminer si les nouvelles tendances sont prises en compte et si les banques étudient de nouvelles possibilités ou recherchent de nouveaux marchés.
Enfin et surtout, la législation et la réglementation vont changer. Par exemple, le gouvernement Mauricien a annoncé qu'un projet de loi est en cours d'élaboration dans le cadre de l'assouplissement du confinement. Les organes de réglementation pourraient également apporter des modifications aux normes prudentielles, ce qui aura un impact direct sur le travail des auditeurs internes, y compris l'approche adoptée pour mener des missions d'audit spécifiques.
En conclusion, bien que nous prévoyions que l'économie sera durement touchée, les implications exactes du Covid-19 demeurent encore incertaines. Toutes les parties prenantes, incluant les auditeurs internes, devront demeurer vigilantes car de nouveaux facteurs finiront par apparaître. Pendant cette crise, une direction d'audit interne capable de faire preuve de pragmatisme sans pour autant négliger des fonctions principales qui consistent à garantir la réalisation des objectifs et promouvoir les bonnes pratiques de gouvernance est primordiale.