Je pense qu’il est assez évident que, suite à la propagation de ce virus, les industries qui subiront les répercussions de ce ralentissement ou de cette récession sont certainement l’industrie du tourisme, l’industrie du textile et je dirais aussi, le secteur de la construction, en raison des ventes des propriétés haut de gamme aux étrangers.
Si vous prenez en considération l’industrie hôtelière ainsi que toutes les entreprises secondaires faisant partie de l’industrie du tourisme, je dirais qu’elles représentent environ 25% du PIB. De ce fait, si cette industrie subissait un ralentissement pendant les 12 prochains mois, ou au-delà de cette période, pour environ 18 à 24 mois, l’effet résultant serait colossal.
Comme vous le savez, l’Europe continentale demeure le plus grand marché touristique pour Maurice. Vu le nombre de pays impacté en Europe, la question est donc de savoir quand est ce que ces gens seront prêts à voyager de nouveau pour leurs vacances. Je pense que cela prendra un certain temps. Si ces secteurs sont touchés, la consommation dans le pays et le mode de vie seront également impactés. Nous devons garder à l’esprit qu’il y aura des sacrifices à faire. Notre mode de vie et nos habitudes de dépenses ne seront plus les mêmes.
Le vendredi 10 avril, des bons du Trésor de six mois ont été émis sur le marché, et les rendements y sont descendus à 0,5 % par année. Ce sont là des creux historiques que nous connaissons à Maurice car nous n’avons jamais eu des rendements aussi bas. Cela est probablement dû à la liquidité excédentaire, mais aussi une fuite vers la sécurité. Concernant ces liquidités excédentaires, il est important de noter que, selon nos chiffres, nous constatons que l’encours de la dette à Maurice, émis par le gouvernement et la Banque centrale, s’élève actuellement à environ 370 milliards de roupies. De ce montant, approximativement 30%, soit 100 milliards de roupies, a effectivement été levé ou emprunté par la Banque centrale. De ce fait, si jamais il y avait une pénurie de liquidité sur le marché de la roupie mauricienne, la Banque centrale serait en mesure de redéployer cette liquidité dans le système. Elle peut le faire en rachetant ces obligations ou ces bons du Trésor, ou en les utilisant d’une manière différente pour que le gouvernement puisse soutenir l’économie et aider à renflouer certaines entreprises. Je dirais que depuis 2008, nous avons vécu une période avec une liquidité excédentaire en roupie mauricienne grâce à une économie florissante, avec la rentrée de devises étrangères par l’intermédiaire d’IDE. La Banque centrale a été perspicace en absorbant cette liquidité excédentaire qui aujourd’hui peut être utilisée pour soutenir l’économie à mesure que nous progressons.
Une fois que vous avez une pénurie de devises étrangères parce que certains des principaux secteurs de l’économie sont confrontés à un problème massif - le tourisme, le textile, le secteur de la construction en termes des propriétés vendues aux étrangers - il est normal que notre monnaie locale se déprécie. Ce n’est pas un phénomène unique à Maurice, mais nous l’avons aussi observé pour les devises des marchés émergents depuis environ un mois, avec l’épidémie du coronavirus. Selon nos recherches, effectuées de façon continue, durant ces 12 derniers mois, les entrées et les sorties de devises ont été autour de 450 à 500 millions de dollars respectivement, 500 millions de dollars entrant et 500 millions de dollars sortant.
Vu que les entrées venant de l’industrie du tourisme, du textile et de l’immobilier ont ralenti ou étaient quasi nulles, cette tendance devrait se poursuivre au cours des prochains 12 à 24 mois et aura un impact certain sur la roupie mauricienne. Il y aura des pressions sur la roupie mauricienne pour qu’elle se déprécie davantage, ce qui est tout à fait normal. Je pense que le plus important c’est de réaliser que notre niveau de consommation, comme je l’ai dit plus tôt, aura à diminuer. Il y aura éventuellement un sacrifice à faire d’une manière ou d’une autre.
Il est fort possible que nos importations diminueront de 35 à 40%, car si vous examinez les secteurs qui contribuent à faire entrer les devises, c’est autour de 30 à 35% des entrées mensuelles. Il est important de souligner que les réserves de notre pays s’élèvent actuellement à environ 7,2 milliards de dollars qui est géré par la Banque centrale. Il faut comprendre que 7,2 milliards de dollars dans des circonstances normales de marché correspond à environ 12-13 mois d’importations. Il est vrai qu’avec la baisse de notre niveau de consommation, nous pouvons avoir des mois d’importations additionnels. Par conséquent, la Banque centrale dispose des munitions nécessaires pour soutenir les importations qui sont essentielles à nos besoins de consommation et c’est bien de garder cela à l’esprit. Nous devons également savoir que le secteur sucrier sera toujours un fournisseur de devises étrangères parce que le sucre est un produit nécessaire que ce soit en Europe ou n’importe où dans le monde. Donc, ces exportations se feront. Il faut aussi souligner que nous avons le secteur offshore qui apporte beaucoup de devises étrangères.
Je sais que le confinement et le fait de rester à la maison créent beaucoup d’anxiété. Nous nous posons plusieurs questions sur ce qui va arriver à l’économie, à nos épargnes et nos emplois. Je pense que nous, à Maurice, avons toujours rebondi face à l’adversité et avons toujours très bien réussi à nous réinventer. Je ne dis pas que nous devons pas nous réinventer tout de suite mais il faut réaliser que, maintenant plus que jamais, toutes les parties prenantes de l’économie doivent s’unir pour vraiment planifier une bonne reprise économique. Les temps vont être durs mais je n’ai aucun doute que si nous restons solidaires, nous en sortirons gagnant. Je pense que nous avons déjà vu au cours des derniers jours, que le nombre de cas rapporté a diminué. Si nous nous entraidons et le faisons pour notre pays, tout est possible.