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"Maurice a l'avantage de faire partie de l'Afrique sans être sur le continent" explique notre invité Assad Abdullatiff
Assad Abdullatiff - directeur général d'Axis

"Maurice a l'avantage de faire partie de l'Afrique sans être sur le continent" explique notre invité Assad Abdullatiff

Publié le
15 mai, 2018
Publié dans la catégorie
Opinions d'experts
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Quelles sont les tendances et activités que vous avez observé dans l'industrie financière et mondiale des services aux entreprises à l'Île Maurice?
L'île Maurice a pris pied sur la scène économique mondiale (alors appelé offshore) avec les modifications de la législation bancaire en 1989 permettant la création de banques offshore puis, dans la foulée, la mise en place du cadre légal et réglementaire pour les activités offshore en 1992. À l'époque, on pensait que l'essentiel de l'activité viendrait des Sud-Africains HNWI et UHNWIs*, qui considéreraient l'Île Maurice comme une juridiction alternative aux îles anglo-normandes pour la planification successorale. Cependant, nous avons pris une direction très différente. La création de notre centre financier international a coïncidé fortuitement avec la libéralisation de l'économie indienne et l'Île Maurice est devenue une voie privilégiée pour l'investissement étranger vers l'Inde en vertu du traité fiscal très avantageux entre les deux pays. Beaucoup d'eau a coulé sous les ponts depuis lors. Malgré des débuts modestes, l'Île Maurice compte aujourd'hui plus de 20.000 entreprises et plus de 900 fonds mis en place par des multinationales, des sociétés de premier rang, des investisseurs institutionnels et des particuliers fortunés à la tête d'activités commerciales mondiales. Au fil des années, l'Île Maurice a réussi à diversifier son offre de produits et ses marchés ciblés à l'échelle mondiale et tous les regards se tournent maintenant vers les opportunités que le continent africain peut offrir à notre Centre Financier International.


Comment voyez-vous l'Île Maurice devenir le centre des services financiers de l'Afrique? Comment le pays peut-il continuer à améliorer son climat des affaires?
Les investissements transfrontaliers, en particulier dans les économies émergentes, présentent un potentiel de rendements élevés mais aussi de nombreux défis. En ce qui concerne l'Afrique, cela est illustré par le fait que l'Afrique n'est pas un pays mais comprend 54 États souverains, chacun ayant sa propre spécificité. Les défis à relever sont nombreux et incluent entre autres la diversité et la complexité du cadre juridique et réglementaire, la gouvernance, la protection et le rapatriement des investissements, ainsi que la facilité de faire des affaires. C'est là que l'Île Maurice entre en jeu. Elle fournit aux investisseurs internationaux le bon écosystème pour entreprendre des investissements en Afrique tout en contrôlant leurs risques. Un certain nombre de facteurs plaident en notre faveur; nous avons un cadre législatif hybride moderne, nous sommes une juridiction bien régulée mais favorable aux affaires, nous sommes un état démocratique où l'état de droit prévaut, nous avons un excellent bilan avec de nombreuses distinctions dont la Banque mondiale, le Mo Ibrahim Governance Index, la Heritage Foundation, etc., une main-d'œuvre multilingue active dans tous les secteurs de l'industrie des services financiers (banques, cabinets d'audit, cabinets juridiques, sociétés de gestion d'actifs, etc.), une excellente infrastructure de communication interne et vers l'extérieur, nombre de traités de protection des investissements bilatéraux et de conventions fiscales entre autres. Plus important encore, l'Île Maurice est membre de plusieurs groupes régionaux africains tels que la SADC, le COMESA et l'Union africaine et jouit d'une proximité à la fois culturelle et géographique avec l'Afrique. Le seul domaine qui nécessite une amélioration à mon avis est la liaison aérienne avec le continent. Alors que Durban, Johannesburg et Nairobi bénéficient de services aériens directs avec Maurice, de nombreuses autres destinations d'affaires régionales majeures n'en ont pas. Résoudre ce problème renforcerait à mon avis l'opportunité qu'a l'Île Maurice de devenir une plate-forme régionale pour le commerce, l'investissement et les services.


Y a-t-il des domaines spécifiques dans lesquels l'Île Maurice a un avantage particulier par rapport aux centres financiers internationaux tels que l'Afrique du Sud ou le Kenya?

Au-delà des raisons évoquées ci-dessus, je crois que les investisseurs internationaux ont tendance à préférer l'utilisation d'une juridiction neutre pour opérer et que Maurice a l'avantage d'être en Afrique sans être sur le continent. Johannesburg est certainement un centre financier important en Afrique et l'industrie des services financiers y est mature et bien diversifiée. Cependant, un certain nombre d'obstacles au commerce international y existe également, tels que l'environnement des affaires, le contrôle des changes, l'assiette fiscale élevée et l'incertitude politique. Le Centre Financier International de Nairobi (NIFC) a été mentionné dans la prestigieuse liste du Global Financial Center Index en 2017, rejoignant Johannesburg, Casablanca et Maurice. Cependant, il reste encore du travail à faire pour que le NIFC devienne pleinement opérationnel. Le Kenya est également confronté à un certain nombre de défis liés à la gouvernance, à la facilité de faire des affaires, à l'insécurité et à l'assiette fiscale. Néanmoins, Maurice ne devrait pas se reposer sur ses lauriers car la compétition pour devenir le carrefour principal des services financiers de l'Afrique risque d'être féroce avec Johannesburg, Nairobi et Casablanca dans la course!


Comment l'appétit des investisseurs dans leur exposition à l'Afrique a-t-il évolué au cours des dernières années ?
D'une manière générale, depuis 15 ans, un changement de paradigme s'est opéré dans la façon qu'ont les investisseurs de voir l'Afrique et la perception du continent a totalement changé. Autrefois décrit comme le «continent sans espoir» et généralement négligé par les investisseurs internationaux, l'Afrique est devenue une destination attrayante pour les investissements étrangers directs. On peut dire qu'après avoir assisté à une croissance grisante du PIB, entre 2010 et 2014, largement permise par le développement de la consommation, la crise pétrolière de 2014 et le ralentissement de la croissance du PIB réel entre 2015 et 2016 ont conduit à remettre en question le Réveil de l'Afrique. À l'époque, beaucoup de gens ont dit que la bulle avait éclaté. Cependant, la fin de l'année 2017 a vu le retour de la confiance des investisseurs qui est largement positive. Bien que la situation économique et politique reste difficile dans certains pays, les perspectives sont généralement positives. L'évolution dans le bon sens du leadership politique dans plusieurs pays d'Afrique a renforcé la confiance des investisseurs et suscité un regain d'appétit. Dans l'ensemble, je suis optimiste quant aux perspectives d'investissement en Afrique dans les années à venir.


Quelle est votre opinion sur le rôle croissant de la Chine en Afrique?
Tout d'abord, il convient de noter que les explorateurs chinois ont atteint la côte est-africaine il y a plus de 500 ans et que la Chine et l'Afrique entretiennent depuis longtemps des contacts bien que loin d'être aussi importants que ces 10-15 dernières années. En effet, sur une période relativement courte, la Chine est passée du statut d'investisseur relativement petit en Afrique à celui de plus grand partenaire économique. On s'attend à ce que cela continue de croître d'année en année, alors que la Chine se tourne vers d'autres secteurs économiques. Pouvons-nous blâmer la Chine qui a vu des opportunités là où d'autres ont considéré l'Afrique comme un continent source d'ennuis ? Il faut reconnaître que l'investissement de la Chine a largement profité à l'Afrique, notamment en matière d'infrastructures. Les détracteurs du rôle croissant de la Chine en Afrique ont fait allusion au fait que l'aide chinoise à l'Afrique est une forme de colonisation économique ; ont fait part de leurs préoccupations au sujet de l'accumulation d'énormes dettes nationales ; que les entreprises chinoises ne contribuent pas suffisamment à l'économie locale ; qu'il n'y a pas de transfert de connaissances ; et que la corruption est monnaie courante. Je suppose que le défi pour l'Afrique à l'avenir sera de s'assurer que les relations sino-africaines sont mutuellement bénéfiques et non unilatérales et que les avantages découlant de la croissance du commerce sino-africain ruissellent sur les peuples africains.

*c'est-à-dire les particuliers fortunés, voire très fortunés

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