La Covid-19 nous a montré l’importance et l’efficience de la technologie dans notre quotidien. Dans le secteur bancaire, comment se passe le processus de digitalisation?
La digitalisation, avant l’apparition de la COVID-19, était déjà une norme. Aujourd’hui elle est, ou elle devrait être le graal sans lequel l’entreprise ne peut être pérenne, le secteur bancaire compris. Face à ce maelstrom numérique et la mutation accélérée du service client, propulsé par l’instantanéité de l’information, la stratégie technologique et la transformation occupent un rôle catalytique important à l’échelle de l’entreprise, voir même être un facteur essentiel de réussite. Deux choix s’offrent aux entreprises : s’adapter à cette mouvance vers la technologie ou bien elles tendent à disparaitre.
Cette technologie influence grandement les banques, qui elles-mêmes, opèrent dans un contexte de plus en plus concurrentiel avec les évolutions liés au digital. S’ajoute à cette tendance le niveau grandissant des exigences des clients qui est en perpétuelle augmentation.
L’univers de concurrence change constamment avec la digitalisation des services (FinTechs, grandes enseignes bancaires européennes et panafricaines opérant dans la région subsaharienne, et ainsi que la menace des grands groupes technologiques comme Google, Apple, Facebook et Amazon (GAFA), qui mènent une révolution digitale sans précédent.
Pour cela, trois chantiers sont donc devenus prioritaires. Dans un premier temps, il faut remettre ou continuer à mettre son client au cœur de la banque. Par la suite, il faut rendre l’organisation plus agile afin de guider la banque à travers les forces changeantes du marché et de la réglementation et enfin s’appuyer sur des partenaires compétents comme accélérateurs de sa propre transformation. En sommes, la transformation digitale qui était autrefois perçue comme un simple levier de rationalisation des coûts et des fonctionnements est devenue aujourd’hui une opportunité pour créer de la valeur.
Une transition technologique pour le secteur bancaire est donc inévitable, mais cela ne doit pas se faire au détriment de l’humain. D’un autre point de vue, une perte de contact avec la clientèle (l’autonomie excessive des clients) risque de faire passer le banquier à côté d’informations importantes sur lesquelles il aurait pu rebondir commercialement.
Maurice est-il prêt à faire un virage à 360 degrés vers la digitalisation bancaire ?
Le caractère durable du coronavirus devrait pousser les banques à accélérer leurs programmes de digitalisation. Le confinement a radicalement changé la donne en mettant sous pressions les banques traditionnelles en matière de gestion de succursales et d’accompagnement de leurs clients vers le « self-banking ».
En outre, l’on constate aussi que la banque est l’un des secteurs les plus remués par cette transformation digitale. Pour cause, cette mutation n’est pas ordinaire, car elle est longue et profonde. Elle passe par une modification complète du traitement des données et des flux de communications internes et externes. S’ajoute à cela, le besoin de repenser certaines méthodes de travail, afin de pouvoir bien l’impliquer dans le modèle de l’entreprise.
Par ailleurs, il est d’une importance capitale de souligner que l’humain reste le cœur de la relation bancaire. Dans ce contexte de mutation technologique et de prise de conscience sociétale, il est apparu dans plusieurs pays, la thématique « banking for humanity ». Cette notion englobe de nombreux concepts, tels que la volonté de rendre les services bancaires plus humains ou encore la contribution à un monde durable et à une société financièrement saine. Il est donc primordial de ne jamais oublier que la banque de demain doit être avant tout humaine.
Quels sont les challenges liés à ce changement de paradigme dans le secteur bancaire ?
Nous sommes aujourd’hui confrontées à une société qui est devenue beaucoup plus intergénérationnelle, mobile, collaborative et connectée en permanence. Les clients prônent l’innovation et le besoin d’agilité. Et cela peut se faire qu’avec la technologie.
Toutefois, le grand danger pour les compagnies, notamment bancaires, est de ne plus être à jours au niveau du digital. En effet, les technologies ont une tendance à devenir rapidement obsolètes et si celles-ci ne sont plus en adéquation avec les besoins de l’organisation sur le long-terme, l’on risque de se retrouver face à une « dette technologique » importante.
Afin d’éviter de tomber dans ce piège, les banques sont donc tenues de casser leurs codes traditionnels et de revoir le fondement de leur métier basé sur l’intermédiation physique. La personnalisation de l’offre est aujourd’hui un élément décisionnel capital pour le client. Celui-ci souhaite obtenir une proposition directement adaptée à son profil consommateur, grâce à l’exploitation de la data et des opportunités de l’analyse prédictive.
Cela remet aussi en avant un autre chantier de la digitalisation qu’est la protection des données. Qualifiée d’or noir du numérique, cet actif stratégique est devenu une richesse capitale qui demande à être protégée, au même titre de son coffre-fort.
La digitalisation des banques vient répondre à un changement de comportement, aussi bien des particuliers que des entreprises. Vos commentaires ?
Opérer une transformation au sein d’une banque compte de nombreux avantages et s’applique autant pour les particuliers que pour les entreprises. Ces chantiers sont loin d’être simples et demandent un renforcement des compétences numériques pour s’adapter à l’évolution constante des nouvelles technologies. Ainsi, s’agissant de la transformation digitale, la technologie peut intervenir dans la personnalisation de l’offre pour une expérience client optimisée pour un particulier, mais également dans la simplification et l’optimisation de ses processus administratifs pour une entreprise.
La technologie peut aussi venir ajouter une plus-value à sa réactivité, notamment à travers une communication davantage pertinente ou l’anticipation des besoins de ses clients. En somme, c’est une nouvelle culture d’entreprise qui s’appuie sur la collaboration et le partage de données. Mais le modèle et la compréhension d’une transformation digitale varient sans aucun doute d’une entreprise à une autre car cela relève du leadership et de la vision de l’entreprise à piloter et fédérer ce changement de comportement : la réussite d’une transformation digitale y est directement liée.
A travers le central KYC, la banque centrale disposera d’une base de données lui permettant d’avoir une meilleure transparence sur les transactions du secteur du global business. Toutefois, là se pose la question d’utilisation des données personnelles. Dans cette mouvance de digitalisation du secteur bancaire, comment trouver le juste milieu entre le besoin de transparence et la nécessité de protéger les données personnelles ?
Au-delà d’être une mesure prospective visant à éradiquer un gap de l’information sur les clients au sein d’un écosystème de services financiers, le registre KYC central devra aider la juridiction à mieux répondre aux exigences et recommandations du GAFI pour renforcer son dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
Le point de départ de cette mesure réside dans la compréhension initiale des risques et du contexte du pays, au sens le plus large. Est-ce que cela nécessitera des nouvelles législations afin d'établir une gouvernance solide et des principes de travail autour de la plateforme ? A mon avis, la protection de données, surtout à caractère personnel, doit rester une priorité.
Les Mauriciens sont de nature conventionnelle et rechignent toujours à l’utilisation des crypto-monnaies et de la technologie Blockchain. Comment voyez-vous la pénétration de ces nouvelles technologies dans le système bancaire ?
Sur le plan technique, la technologie de la blockchain et de la crypto-monnaie restent pleinement exploitables. Néanmoins, l’absence de cadre réglementaire et de normes internationales destinés à cerner le déploiement de ces technologies constituent des obstacles majeurs. Plus encore, il existe aussi une certaine réticence de la part des banques traditionnelles qui freinent leur exploitation.
Or, en dépit de ces deux facteurs qui tendent à ralentir la progression de ces modes de financement, l’on observe aussi des failles dans leur modèle. La possibilité d’éventuelles cyberattaques ne doit en aucun cas être écartée. Une cyber-attaque massive du réseau entrainerait des conséquences lourdes. Même si le cours des crypto-monnaies a connu des périodes d’extrêmes volatilités par le passé, la pandémie leur a donné un tout autre statut. En sus d’être une valeur complètement décorrelée de la conjoncture, la crypto-monnaie a dépassé ces jours-ci 18 000 dollars pour atteindre son plus haut niveau depuis décembre 2017.